
Le supermarché sera situé derrière cette façade, celle des anciens locaux de la Caisse primaire d’assurance maladie, au 17, boulevard Ornano, laquelle sera préservée.
Regroupés dans le collectif Stop Carrefour, des habitants du 18e arrondissement de Paris luttent depuis début octobre 2014, au nom de la diversité commerciale, contre l’implantation d’une grande surface sur les 18 000 mètres carrés naguère occupés par la CPAM boulevard Ornano. Reportage.
Trop c’est trop. Des supermarchés dans le 18e arrondissement de Paris, les membres du collectif Stop Carrefour n’en veulent plus. Et pour le faire savoir, ils s’organisent. Une douzaine d’entre eux sont réunis, début novembre 2014, dans le petit local de l’association Agir pour l’environnement, au cœur de quartier Amiraux Simplon. L’objet de la mobilisation ? L’ouverture prévue en 2016 d’un supermarché Carrefour, boulevard Ornano, dans les anciens locaux de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), dont la destruction est pratiquement achevée.
Dans deux ans, les 18 000 mètres carrés ainsi libérés seront occupés par des logements (85 locatifs sociaux et 62 locatifs privés), une maison de retraite (130 lits), une crèche de 44 berceaux, des parkings et le fameux supermarché : 1 700 m2 environ, sur deux niveaux. Au rez-de-chaussée, la surface commerciale proprement dite - 999 m2 exactement, d’après le permis de construire – au sous sol, les entrepôts. « Ils ne manquent pas de culot, grince Evelyne Kerfan, co-fondatrice de la coopérative alimentaire l’Indépendante. Au-delà de 1000 m2, les supermarchés sont soumis à autorisation municipale. »
- La première pierre du futur complexe commercial-logement-crèche-maison de retraite, a été posé en septembre 2014. Livraison mi 2016.
Constitué de riverains, de militants associatifs et politiques (Europe Ecologie les Verts), le collectif s’insurge : « Cette opération immobilière a été réalisée sans consultation ni information préalable des habitants, contrairement aux promesses de campagne électorale de la maire de Paris. » Le groupe dénonce « la multiplication de ces grandes surfaces transformant les rues du 18e arrondissement en un gigantesque hypermarché à ciel ouvert ». En face, de l’autre côté du boulevard Ornano, un Intermarché de grande taille est ouvert depuis plusieurs années. Pas très loin, boulevard Barbès, un Carrefour market accueille ses clients tard le soir depuis peu. « C’est sans compter le grand nombre de superettes qui pullulent dans le coin », soulignent Irène et Martine, deux habitantes.
La mobilisation contre le projet a d’abord été politique. Deux vœux ont été déposés en octobre, au conseil d’arrondissement du 18e et au conseil de Paris, pas les élus EELV. Le texte demandait, en particulier, « que la destination commerciale de cette superficie privilégie l’implantation de commerces de proximité qui participeraient ainsi à la diversité et à l’amélioration de la qualité commerciale du quartier ». Les deux instances ont repoussés ces vœux. (Lire le texte complet du vœu en suivant ce lien).
- S’il est bâti, le supermarché Carrefour occupera une surface de 1700 m2, dont 999 m2 consacrés à la vente.
Si la maire du 18e affirme que les jeux sont faits (lire encadré), le collectif y croit encore. Ses membres cherchent les failles dans le dossier, consultent les permis de construire. « Pourquoi un bien public – les locaux de la CPAM – est-il vendu à une entreprise privée sans consultation des habitants ? » demandent-ils dans le tract distribué dans le quartier. Ils dénoncent un projet, « résultat d’un savant mécano juridico-financier entre l’Etat, la Ville de Paris, des opérateurs privés, des sociétés d’investissement et des géants de la distribution ».
Pour remporter ce combat, énième chapitre de la lutte du pot de terre contre le pot de fer, Stop Carrefour s’appuie aussi sur l’exemple de Stopmonop, dans le 10e arrondissement de Paris : pas loin de la place de la République, des habitants luttent depuis 2011contre l’implantation d’un DailyMonop’ dont ils ont bloqué la construction. Du côté d’Amiraux Simplon, le collectif estime aussi que ce « Grand projet inutile » interroge la population sur la manière de se nourrir : « L’industrie agroalimentaire approvisionne ces grandes surfaces. Elle n’a que faire du contenu de nos assiettes. Par ailleurs, ne vaut-il pas mieux privilégier les circuits de distributions courts en matière d’approvisionnements alimentaires ? »
- En 2009, ces locaux ont été occupés par le ministère de la Régularisation des sans-papiers.
En face du chantier, sur le trottoir de l’Intermarché, les préoccupations sont ailleurs. « J’espère que la concurrence entre les deux enseignes sera utile aux consommateurs et que les prix vont ainsi baisser », explique Chantal. Stéphanie, de son côté, souligne « l’alternative » que représentera l’ouverture de cette nouvelle grande surface : « Dans le coin, nous avons le choix entre les magasins chers de la rue du Poteau et du quartier de la mairie et les boucheries halal, toutes semblables, du boulevard Ornano. »
De réunions en opérations de tractage, le collectif Stop Carrefour s’organise. Une pétition en ligne a été lancée. Elle demande le retrait du projet Carrefour, le lancement d’une réflexion avec les habitants pour imaginer un projet alternatif et vise 500 signataires afin de pouvoir interpeller la mairie d’arrondissement. À l’heure actuelle, 326 signatures ont été recueillies. Irène, 62 ans, vit dans le quartier « depuis des années ». « Trop de grande surfaces dans le coin, dit-elle. L’offre ne sera pas meilleure. À la place, j’aurai aimé une ludothèque, un espace vert. On manque de verdure dans le 18e arrondissement. »
- La surface laissée vacante par la Caisse d’assurance maladie représente 18 000 m2 au total.
Voir aussi :
Diaporama, au cœur des locaux vides de la CPAM dans le 18e.
Un ministère de la Régularisation des sans-papiers dans le 18e
« Une opération emblématique » pour la mairie
« En août 2010, l’Etablissement foncier d’Ile-de-France a acheté le foncier, et donc l’intégralité de l’ancien bâtiment de la CPAM, et en même temps a conclu une promesse de vente avec la Sodéarif une filiale du groupe Bouygues », explique la mairie du 18e arrondissement. Montant de la transaction : 33 millions d’euros. « C’est un projet privé, donc les marges de manœuvre quant à l’attribution du commerce étaient nulles », précise la mairie.Selon la municipalité, c’est une opération emblématique : « Elle poursuit la métamorphose urbaine du 18e et c’est l’exemple d’un urbanisme durable, capable de faire évoluer les fonctions dans un même bâtiment tout en conservant les facades (passage d’une ancienne laiterie à des bureaux de la CPAM, puis à un programme mixte santé-commerce-logement-petite enfance. Elle est aussi emblématique car elle est mixte : mixité fonctionnelle, mixité sociale et mixité générationnelle, tout en respectant l’identité du quartier. »
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