
Nelly et Véronique vendent des centaines de variétés de fromages depuis vingt ans sur le marché de la rue Ordener, dans le 18e arrondissement de Paris. Une passion commune, fruit d’une solide amitié. Portrait.
Qu’est ce qui fait courir les clients, vers l’étal aux fromages du marché Ordener, dans le 18e arrondissement de Paris ? Qu’est ce qui les fait râler du côté des vendeurs de légumes tout proches : « Y a encore un monde fou chez Nelly ! » Réponse de la patronne : « Nos trois cents variétés de fromage. »
C’est sûr, ici, on trouve tout, du comté, de l’emmental, des chèvres frais moelleux ou secs, des camembert, des œufs, frais bien entendu, et ce, deux fois par semaine, le mercredi et le samedi matin. Ca devrait suffire. Ajoutons qu’il n’y a pas de concurrent sur la place. Exit l’article.
- Pour Nelly, les fromages, c’est une histoire familiale.
Mais voilà, à les regarder, à les voir se déplacer le long de leur présentoir, la blonde Nelly et la brune Véronique, on se dit qu’il y a un plus. Nelly et ses boucles tout le long de ses lobes, Véronique et ses lunettes au bout du nez qui lui donnent un petit air intello. Il se dégage une grâce certaine de ce tandem, une complicité qui donne envie de savoir. « Voilà vingt deux ans qu’on travaille ensemble », confirme Véronique.
Pour Nelly, l’histoire a commencé bien avant. C’est une histoire familiale, celle d’une lignée, qui a débuté à Bry-sur-Marne, en région parisienne : « Mon père, raconte-t-elle, venait de la Mayenne livrer ses fromages, ses œufs et ses volailles à ma mère. C’est ainsi qu’ils se sont rencontrés. » Nelly est née du fruit de cette rencontre.
Toute petite, elle se passionne pour les départs matinaux de son père, vers la capitale et le marché Ordener, déjà : « C’est comme les enfants du cirque. A sept ans je me levais à trois heures du matin pour être sûre d’en être. Voilà maintenant trente quatre ans que je suis sur ce marché. » À 41 ans, Nelly vit toujours à Bry-sur-Marne : « C’est mon point de chute familial, car ma mère vit encore là-bas. C’est aussi mon point de chute de travail car c’est chez elle que nous conservons nos fromages. »
« On se lève à quatre heures du matin »
À 42 ans, Véronique vit toujours, à quelques kilomètres de Bry, à Villiers sur Marne. Elle a arrêté les études à l’âge de vingt ans : « C’était pas trop mon truc. » Elle fait la factrice pendant trois mois. Rencontre au café de Bry avec le père de Nelly et top là, la voilà embauchée. Le trio trime six jours par semaine. Jusqu’en 2007. Une sale année : « Mon père est "parti" », raconte Nelly, dont la fumée de cigarettes dissimule mal les larmes qui lui viennent à l’évocation de la figure paternelle. Elle poursuit : « Alors j’ai dit stop. J’ai décidé de travailler moins, de profiter des miens. » 2009, nouveau deuil : « Mon mari est décédé. je suis veuve. »
- « Nelly et moi travaillons ensemble depuis 22 ans », souligne Véronique.
Il faut quand même continuer. Mais, dès lors, on décide de ne travailler que quatre jours par semaine, même si on aime encore tellement ça. Véronique : « On se lève à quatre heures. On descend au frigo, à la chambre froide et à la cave. On charge le camion et à 5h 30 - 6 h, nous voilà sur le marché. » Nelly : « C’est tout un rituel. On décharge, on installe les bâches, la table et les tréteaux. Ca nous prend bien une heure et même plus parce qu’on travaille aussi la présentation. »
Que font les dames du marché quand elles n’y sont pas. Nelly : « Je profite de mes gamins, on déjeune ensemble le matin, j’apprécie tellement. » Véronique, elle, est célibataire : « Enfin, disons sans relation continue. » « Je n’ai pas d’horaires, je fais ce que je veux, je vais beaucoup au cinéma et au théâtre. »
Le mardi et le vendredi, les fromagères travaillent sur le marché Richard Lenoir, dans le 11e. Le samedi matin, à Ordener, elles élargissent désormais leur tandem à Céline, Manu et Bernadette. « C’est qu’il faut faire face à l’affluence. » Rien que des femmes ! « Les filles c’est plus doux », assure Nelly. La preuve ? « On nous offre souvent des chocolats ou des fleurs. »
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